vendredi, 13 novembre 2015
LA MORT DE STALINE
On est le 28 février 1953, à la Maison de la Radio du Peuple, à Moscou. Au programme du concert, le concerto pour piano de Mozart n°23. Au piano, Maria Ioudina. Le concert est diffusé en direct. Tout s’est bien passé, et les musiciens s’apprêtent à rentrer chez eux. Mais le directeur a donné l’ordre aux sentinelles d’empêcher toute sortie.
Car le directeur est tout près de faire dans sa culotte : il a reçu un coup de fil qui lui a enjoint de téléphoner à un certain numéro. « Dans exactement 17 minutes ». S’exécutant, il entend la voix de Staline en personne : « J’ai beaucoup aimé le concerto de ce soir. Je souhaite en recevoir un enregistrement. On viendra le chercher demain ». Le ciel lui tomberait sur la tête, le directeur ne serait pas plus épouvanté.
Car les techniciens, comme à l’habitude en cas de direct, n’ont rien enregistré. Conclusion du directeur : « On va tous mourir ». Et Staline est injoignable : « Le numéro que vous avez demandé n’est plus attribué ». Seule solution : rejouer. Les musiciens de l’orchestre savent trop ce qu’ils risquent s’ils refusent. Seule la pianiste exclut résolument cette possibilité : « Tu veux tous nous faire tuer ? – Bien sûr qu’on veut jouer », lui lancent les autres. Elle acceptera, contre 20.000 roubles.
Ensuite, c’est le chef qui s'écroule victime d'un malaise, tétanisé par la perspective de diriger « … pour Staline … pour Staline … pour Staline … ». On réveille un sous-chef qu’on emmène de force jusqu’à la salle : il dirigera en robe de chambre. Quand les agents du NKVD se présentent pour réceptionner le disque, la pianiste Maria Ioudina glisse dans la pochette un petit mot destiné à Staline : « Cher camarade Staline, Je vais prier pour vous, jour et nuit, et demander au Seigneur qu’Il vous pardonne vos lourds péchés envers le peuple et la nation … ».
Il écoute le début du disque, tout en froissant rageusement le papier, sans doute en méditant le sort affreux qu'il fera subir à l'insolente. Mais il ne fera plus mal à personne : une attaque le terrasse brutalement. Il ne s’en relèvera pas. Il meurt officiellement le 5 mars. Il y eut vraiment une Maria Yudina (1899-1970), grande pianiste russe, la préférée de Staline. Une autre notice indique : « ... elle passe pour avoir été la seule pianiste que supportait Staline qui l'aurait convoquée en pleine nuit au Kremlin avec un orchestre pour jouer le concerto K. 488 de Mozart » (soit dit en passant, c'est bien le n°23). Son mot adressé au « Petit Père des peuples » est-il historique ? A-t-il causé, directement ou non, sa mort ? Je n’en sais rien, et peu importe.
En tout cas, c’est ainsi que commence La Mort de Staline, de Nury et Robin, admirable volume de bandes dessinées. Admirable introduction : bienvenue dans l'enfer rouge. Les auteurs mettent en pleine lumière l’ambiance de terreur qui règne partout, et même (et surtout) au sommet du pouvoir, à l’époque où le dictateur semble tout-puissant, où chacun sait et sent que la moindre erreur, la moindre imprudence peuvent conduire à la mort, au goulag, en tout cas à l’arbitraire total de la volonté d’un seul.
C'est clair : dans un tel système, tout le monde tremble comme une feuille. Avec raison : tous les témoins de la fin de Staline sont embarqués dans des camions militaires, en direction, on s'en doute, des glaces de la Sibérie et des sévérités du Goulag, voire pire. Béria exige de Lydia Timotchouk qu'elle lui envoie les meilleurs médecins au chevet de Staline, au simple motif que c'est elle qui a dénoncé tous les médecins qui ont, sur sa simple accusation, été condamnés dans l'affaire dite des « blouses blanches ». Béria a barre sur elle, depuis le 17 janvier 1938, « date à laquelle je t'ai baisée par tous les trous ». Il est bien entendu qu'aucun des médecins, aucun des témoins de tout ça, ne sortiront vivants de l'événement.
La BD s’est mise au diapason : à sujet brutal, traitement brutal. Les silhouettes, les faits et gestes sont dessinés au couteau. Les traits sont accusés, les visages sont constamment traversés des grandes balafres qu’y tracent les passions mauvaises. Tout est crade et impitoyable dans cette histoire noire, pleine de menaces, de coups bas et de cruautés. Le régime totalitaire dans toute sa splendeur, tel que décrit par Hannah Arendt : délation, espionnage de tous à tout instant, intérêts sordides promus raison d’Etat, caprices des puissants et bassesses en tout genre.
L’histoire, c’est celle qui se déroule après l’agonie et la mort de Staline (qui avait commencé simple braqueur de banque). L’URSS est un bloc de glace dans lequel pas une oreille ne consent à bouger si elle n’a pas l’autorisation expresse de son supérieur hiérarchique. L’ombre de Staline s’appelle Béria. Quand le maître a son attaque, l’ombre en question voit soudain son horizon s’ouvrir. Il n’attendait que ce moment pour enfin passer du rang de dieu subalterne à celui de dieu en chef.
Il ne néglige aucune précaution : occupé à se servir du corps d’une fille au moment où il reçoit l’appel fatal, il ordonne à ses sbires, qui lui demandent quoi faire d’elle : « Ramenez-la chez elle… Arrêtez son père ». Plus fort et plus terrible : arrivé chez Staline pour se rendre compte de l'état de celui-ci, et avant même de prévenir les autres responsables, il met la main sur tout un tas de dossiers qui compromettent ses rivaux potentiels du « Conseil des ministres » (Krouchtchev, Malenkov, Mikoyan, Boulganine, Molotov, …), espérant que le chantage les musellera.
Pas de chance pour lui : ceux-ci se liguent contre lui et préparent longuement le moment où ils le jetteront bas. Béria finit misérablement fusillé dans un sous-sol. Quant aux comploteurs, ils sont désormais les maîtres. Ils ne veulent surtout pas changer quoi que ce soit au mode de fonctionnement de l’URSS : ils se sont juste réparti les rôles, dans un nouvel équilibre des forces. « Vers un avenir radieux » (dixit Béria, au moment où les balles le traversent).
Plusieurs épisodes sont absolument glaçants. Les trains étant immobilisés pour éviter toute manifestation de masse, le peuple, à l'annonce de la mort de Staline, marche vers Moscou pour rendre hommage à son idole : la police tire dans le tas. Ailleurs, c'est l'équipe des médecins convoqués autour du dictateur, tous pétrifiés de peur, puis embarqués vers le goulag ou la mort après la mise en bière du corps, en compagnie de tout le personnel civil, y compris la gouvernante du défunt, fidèle et effondrée de chagrin. Ailleurs encore, ce sont les principaux comploteurs qui, pour mettre au point la chute de Béria, se réfugient sur le balcon, parce que l'intérieur est truffé de micros. C'est là qu'ils évoquent les listes à constituer des gens à éliminer : « Bien sûr ... Une purge complète, comme on a fait en 36 avec Staline. (...) De très longues listes, où l'on n'oubliera personne ».
L'implacable et très juste récit d'une époque et d'un système terribles. Inhumain. Mais on le sait : tout ce qui est inhumain est humain.
Voilà ce que je dis, moi.
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dimanche, 08 novembre 2015
POLITIQUES ET RÉALITÉS VIRTUELLES 2
J'avais commencé à dire dans quel état je vois la vie politique actuelle en France. En résumé : pas brillant !
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Des mécanismes supranationaux et transnationaux ont pris le pouvoir, évinçant du même coup la notion de parti politique. Il n’y a plus de partis politiques, il n’y a plus que des officines conçues à seule fin de conquérir le pouvoir. Il n’y a plus de gauche ou de droite, plus de vision de l'avenir, plus de volonté de construire. Il n'y a plus de dirigeants : il n'y a plus que des directeurs. Il y a des chefs de bureau, des comptables, en un mot : des administrateurs, des gestionnaires. Si possible issus de l'ENA, où l'on apprend à pondre en virtuose des palanquées de rapports « Constat / Causes / Solutions ».
Je veux dire qu’il ne peut plus y avoir d’affrontements entre « adversaires politiques » reposant sur l’opposition de « projets politiques » structurés. En un mot, la lutte des classes a laissé place à la lutte des clans : affrontements purement claniques, parfois mafieux, pour le pouvoir, mais formulés, pour le confort intellectuel de la galerie, dans des catégories obsolètes et sous les étiquettes défuntes des « idées politiques », remontant à la guerre froide, avant la chute du Mur et l’effondrement de l’empire « communiste ».
Les politiciens ne sont plus que des comédiens spécialisés dans des rôles servant d'étiquettes : c’est à qui fera le mieux semblant d’incarner les « idées » portées par son camp. Il ne s'agit plus que de "capter l'auditoire" et d'attirer les voix des électeurs. L'hypocrisie est maintenant inscrite au programme de la formation professionnelle du politicien (je me réfère à l'étymologie grecque du mot hypocrite), produisant un catéchisme plus connu sous l'appellation de « langue de bois ».
Pour ce qui est du contenu des « idées », ce sont des think tanks spécialisés qui reçoivent pour mission de les élaborer, de les produire, de les faire mijoter, de les emballer. Pour le parti « socialiste », c’est la fondation « Terra nova » qui en est chargée. C’est elle qui a, dans un passé récent, proposé au PS d’abandonner toute référence à la classe ouvrière, pour s’adresser en priorité aux « bobos », vivier de cette gauche morale terrifiante de bonne conscience qui, ayant abdiqué toute ambition de changer le monde et convertie à l’économie de marché, commodément contente de son sort, se montre cependant toujours prête à s’acheter une conscience en impulsant des réformes présentées comme autant de progrès, mais attention : seulement des réformes « sociétales ». Ne touchons pas à ce que Marx appelait l' "infrastructure".
Aucun de ces « politiciens » - on est en démocratie - ne peut accéder au pouvoir s’ils ne se concilie pas les bonnes grâces de sa « clientèle », pardon : de l’électorat. Pour savoir ce qui lui vaudra ses faveurs, pas d’autre moyen que de chercher à savoir ce qu’il pense. Ensuite, à lui de s'y prendre astucieusement pour lui servir la soupe. On devine comment : enquêtes de motivations, marketing, bref : sondages d’opinions. On enfonce le thermomètre dans le cul de l'opinion. On procède ni plus ni moins que pour vendre des savonnettes, des yaourts ou des boîtes de sardines.
Ensuite, une bonne agence de communication, comme pour n’importe quelle publicité, va vous concocter un « message » (traduction : un slogan publicitaire : la force tranquille, ensemble tout devient possible, le changement c'est maintenant) qui, on l’espère, entrera assez en résonance avec l’opinion majoritaire pour que la clientèle mette la main à la poche, c’est-à-dire le bon bulletin dans l’urne. Voilà à quoi ressemble la politique en France aujourd’hui.
Maintenant je peux enfin en arriver à ce qui m’a servi de point de départ : pourquoi croyez-vous que Sarkozy retrouve des accents martiaux sur le laxisme de madame Taubira, le laxisme des juges, l’insuffisance des places de prison, l’insécurité dans les « quartiers », au point de promettre qu'il mettra toutes ces réformes par terre ?
Très simple : toujours aussi gros consommateur de sondages, il ressert à la population française le thème que les enquêtes d’opinion ont mis en relief. Il se contente de mimer ce qu'il croit être les "attentes de la population", en espérant entrer en "consonance" avec elle (grille de lecture PNL, cette bible des démarcheurs qui ont quelque chose à vendre). Traduction : il fait de la « Com’ ». Le sentiment d’insécurité éprouvé par monsieur Toulmonde, lui, il s’en contrefiche, il a sa cohorte de gardes du corps, il n’est pas concerné. Sarkozy ne s’appelle pas Toulmonde.
Mais ça veut dire aussi que la réalité de la délinquance en France, il n’en a rien à foutre. Les preuves ? Sarkozy au pouvoir, c’est la destruction de la « Police de proximité », que Jospin avait mise en place avec intelligence, pour mener une efficace politique de prévention de la délinquance. Sarkozy au pouvoir, c’est la fusion catastrophique des RG et de la DST (Mohamed Mehra est un "dommage collatéral" de cette politique). Sarkozy au pouvoir, c’est la loi sur les « peines planchers », aux effets délétères sur la récidive. Sarkozy au pouvoir, c’est la comparaison de la magistrature dans sa globalité avec des rangées de boîtes de petits pois sur des rayons de supermarché. Il ne gouverne pas la réalité, il gouverne le reflet de l’opinion publique que lui livrent par cageots entiers les instituts de sondage. Son obsession, c'est d'être « en phase » avec ce qu'il croit être le peuple.
Hollande ne vaut pas mieux : l’épisode affreusement minable organisé autour de la désormais célèbre Lucette Brochet, de Vandœuvre-lès-Nancy, en est une preuve suffisante. Ce qui caractérise ces dirigeants politiques, leur point commun, c’est que, pour eux, il suffit de gouverner l’image du réel. Leur monde à eux, leur réalité à eux s’arrête à l’horizon qu’ils aperçoivent du fond de leur bocal.
« Le pouvoir sur Rubanis … un simple tas de poussière. – Oui, mais maître des images. » C’est Valérian qui répond à Laureline à la fin de l’excellent Les Cercles du pouvoir (Dargaud, 1999), des maîtres Mézières et Christin. Rabelais raconte une histoire vaguement cousine au chapitre XXXVII de son Tiers livre : un rôtisseur veut faire payer un faquin qui « mangeoit son pain à la fumée du roust », juste pour lui prêter le parfum de la viande.
Pour les départager, on fait appel à Seigny Joan, un « fol, citadin de Paris ». La sentence tombe : « La Court vous dict que le faquin qui a son pain mangé à la fumée du roust civilement a payé le roustisseur au son de son argent ». Tout le monde applaudit cette sagesse salomonesque. Sauf qu'aujourd'hui, Seigny Joan a pris le pouvoir. Et que le peuple n'a plus que la « fumée du roust » et le « son de son argent ». Le parfum du bonheur. La musique de la prospérité. Tout va bien. Dormez, braves gens.
Rabelais, on ne le sait pas assez, annonçait là le règne aujourd’hui admis par tous comme plus réel que le réel, de la « réalité virtuelle ». L’homme « politique » (je me gausse) d’aujourd’hui s’efforce d’agir sur des virtualités en faisant croire qu’il agit sur les réalités. Il agit sur les signes, puisqu'il ne peut plus agir sur les choses. Les choses, quant à elles, restent imperturbables : elles continuent d’avancer.
Conclusion de tout ça : de même que les décideurs politiques ne saisissent qu’une réalité de plus en plus virtuelle, leur action s’exerce de façon virtuelle. Une action incantatoire qui se réduit au discours qui sort de leur bouche. Lénine publiait, en 1902, Que Faire ?. Aujourd’hui, en France, on connaît la réponse : plus personne, parmi les responsables, ne sait quoi faire.
Les décideurs politiques, à bien y réfléchir, sont de plus en plus désespérés : ils courent après l'opinion publique, ils courent après les sondages, ils courent après les médias, ils courent après une réalité qui leur échappe davantage de jour en jour. Ils se demandent avec angoisse comment arrêter de mentir. Ils se disent que, peut-être avec raison, le jour où les électeurs sauront la vérité, ils seront à leur tour poussés au désespoir, et alors là, que se passera-t-il ? Ils n'osent pas y penser.
En d'autres temps, ils se mettaient tacitement d'accord pour "ne pas désespérer Billancourt" et s'entendaient, grosso modo, sur un modus vivendi acceptable pour que personne ne reçoive trop de bouses de vaches sur la figure. Quand le peuple sortira de la caverne, ébloui par la lumière de la vérité, que fera-t-il ? Horresco ! Vade retro ! Tantum ergo ! Delenda Carthago !
Une seule solution : continuer dans le mensonge. Que tout le monde reste dans la caverne !
Le monde extérieur est peut-être hors de contrôle, après tout.
Voilà ce que je dis, moi.
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vendredi, 06 novembre 2015
NE PAS DERANGER
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jeudi, 05 novembre 2015
NE PAS DERANGER
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Hommage à René Girard, qui vient de rendre son tablier, qui a fini par se résoudre à plier ses cannes. Je n'oublierai pas le choc tectonique que fut pour moi la lecture de La Violence et le sacré, d'une érudition ébouriffante. C'était dans les années 1970. Même si on peut être agacé par la prétention de l'auteur à donner à sa théorie du désir mimétique, et sur un ton de certitude péremptoire, une dimension tellement englobante que Freud, avec toute sa psychanalyse, pouvait aller se rhabiller.
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mardi, 03 novembre 2015
NE PAS DÉRANGER
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mardi, 27 octobre 2015
NE PAS DÉRANGER
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vendredi, 23 octobre 2015
NE PAS DÉRANGER
Le "Gris du Gabon" figure parmi les meilleurs imitateurs.
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jeudi, 22 octobre 2015
NE PAS DÉRANGER
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mardi, 20 octobre 2015
NE PAS DERANGER
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mercredi, 14 octobre 2015
NE PAS DÉRANGER
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mardi, 13 octobre 2015
LES ÂNERIES DE TISSERON
Nous sommes en compagnie de M. Serge Tisseron, psychanalyste qui, dans les colonnes du Monde, étrille les « intellectuels » en leur reprochant de n'être plus d'aucun poids pour influer sur l'époque.
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Comment le monsieur voit-il les choses ? A sa façon. Et ça vaut le coup de le citer en longueur : « Or le monde a changé. Il n’est justement plus binaire, il est devenu multiple, et fondamentalement instable. Ce ne sont plus seulement les idéologies qui se succèdent à un rythme accéléré, ce sont les situations économiques, politiques et militaires. Les idéologies suivent, s’adaptent, se métissent. Ce ne sont plus elles, et les intellectuels qui prétendent en être les garants, qui impulsent les actions. Aujourd’hui, l’extrême fragmentation des rapports de force entre entité politique ou idéologique rend impossible la délimitation d’affrontements entre des forces clairement identifiées et circonscrites ».
Si vous pouvez tirer une vision claire de ce joyeux mélange de clichés, faites-moi signe. J’apprécie particulièrement ces idéologies qui "se succèdent", "s’adaptent" et, surtout, "se métissent". Je pose la question : qu'est-ce qu'une idéologie métissée ? Et je passe sur la faute de français (« rapports de force entre entité » : quand quelque chose est "entre", ce qui suit est au moins deux, comme le montre l’occurrence suivante dans la citation), qui révèle au moins, disons ... un flou notionnel.
Il évoque ensuite les « progrès technologiques qui évoluent à une vitesse exponentielle » (Tisseron aime tant le mot "exponentiel" qu'il le répète deux paragraphes plus loin). Est-ce la numérisation de tout, l’informatisation et la robotisation galopantes qu’il a en tête ? Il faudrait alors commencer par démontrer que ce sont des progrès, ce qui n'est pas sûr du tout.
De plus, affirmer que les progrès technologiques avancent à une vitesse exponentielle est une bêtise et un abus de langage : l'apparente évolution actuelle découle de l'exploitation tous azimuts et de l'application aux domaines les plus divers d'une innovation décisive (numérisation, puis robotisation). Quant à la « vitesse exponentielle », s’agissant du monde tel qu’il va, j’ai un peu de mal à l’envisager. Je vois surtout un bolide lancé à toute allure sur l’autoroute, de nuit et dans le brouillard. Mais ça ne l’inquiète pas : il est au spectacle. Dans le brouillard ! Trop fort, Serge Tisseron !
La preuve, c’est qu’il ajoute ensuite : « L’atomisation des rapports de force et le métissage des idéologies [encore lui !] sont d’abord à considérer comme un effet des bouleversements technologiques, de leur intrication croissante, et des nouveaux paysages économiques et politiques qui en découlent ». J’ai l’impression que Tisseron est installé dans son laboratoire et que, de là, il regarde le monde comme une gigantesque éprouvette dans laquelle est en train de se faire une expérience inédite, mais passionnante. Il est impatient d’en observer le résultat, tout en avouant dans le même temps qu'il ne comprend rien à ce qui est en train de se passer. A se demander s'il en pense quelque chose.
Puis il reproche à Régis Debray d’oublier dans le débat actuel une phrase qu’il a écrite, une des rares qui aient retenu sa considération : « … nous finissons toujours par avoir l’idéologie de nos technologies », et de : « … ne voir aucune idéologie de remplacement à celles que les naufrages du XX° siècle ont englouties, aucune nouvelle "religion" ne pointant son nez à l’aube du XXI° siècle ». D’abord, pour ce qui est de la religion, je ne sais pas ce qu’il lui faut : d’accord, l’islam n’est pas vraiment nouveau, mais l'élan conquérant qui l’anime actuellement est pour le coup une vraie nouveauté.
Ensuite, je dirai juste qu'en matière d'idéologie de remplacement, l'humanité actuelle est servie : que faut-il à Serge Tisseron pour qu'il ne voie pas que la course en avant effrénée de la technique est en soi un idéologie ? Je rappelle que le propre d'une idéologie se reconnaît d'abord à ce qu'elle refuse de se reconnaître comme telle, ce qui est bien le cas du discours des fanatiques de l'innovation technologique. Et les « transhumanistes » (adeptes de la fusion homme-machine) vont jusqu'à ériger cette idéologie en utopie.
Quant aux idéologies du 20ème siècle (grosso modo communisme et nazisme, ajoutées aux grandes religions monothéistes), héritières des utopies du 19ème, il omet de préciser qu’elles contenaient et proposaient de grands projets pour l’humanité. Or l’humanité actuelle semble bel et bien avoir abandonné tout effort pour élaborer un quelconque projet lui dessinant un avenir. Pas forcément un mal, vu les catastrophes qui en ont découlé dans le passé. Mais pour laisser place à quoi ? Au libre affrontement des forces en présence.
Où prendrait place un tel projet, sur une planète qui est un champ de bataille autour des ressources ; un champ de bataille qui voit s'affronter des nations prises dans une compétition généralisée, sorte de « guerre de tous contre tous » ? Quand l'heure est à la lutte pour la conquête ou pour la survie, rien d'autre ne compte que le temps présent. Le temps de l'appétit ou de l'angoisse (manger pour ne pas être mangé). Et vous n'avez pas le choix. Comme dit Jorge Luis Borges, je ne sais plus dans laquelle de ses nouvelles : « Il faut subir ce qu'on ne peut empêcher ».
La seule idéologie, la seule religion si l’on veut, qui continue à faire luire à l’horizon une lueur d’espoir dans la nuit de l’humanité, c’est précisément la foi dans les technologies : « … la génomique, la robotique, la recherche en intelligence artificielle et les nanotechnologies ». Je crois quant à moi que les adeptes de cette religion sont des fous furieux, qui ne font qu'accélérer la course à l'abîme.
Mais Tisseron se garde bien de dire ce qu’il en pense. Que pense-t-il des théoriciens du « transhumanisme » et de leurs partisans, qui s’agitent fiévreusement quelque part dans la Silicon valley, en vue de l'avènement de l'homme programmable ? On ne le saura pas : l’auteur réserve pour une autre occasion l’expression de son jugement.
« Car le monde est en train d’échapper aux intellectuels de l’ancien monde », affirme fièrement l’auteur de l’article. L’objection que je ferai à Serge Tisseron sera globale : à quel haut responsable politique, à quel grand scientifique, à quelle grande conscience morale le monde actuel n’est-il pas en train d’échapper ? Tout le monde, à commencer par les décideurs, a « perdu toute prise sur notre époque » (cf. titre). Le temps est fini des grands arrangements entre puissances. Plus personne ne sait quelle créature va sortir du chaudron magique, en fin de cuisson.
Pas besoin d’être un « intellectuel », qu’il soit de l’ancien ou du nouveau monde. Car ce qui apparaît de façon de plus en plus flagrante, c’est que plus personne n’est en mesure de comprendre le monde tel qu’il est. Le monde est en train d’échapper à tout contrôle. D’échapper à l’humanité. Ce que Serge Tisseron n’a peut-être pas très envie de regarder en face. La planète semble aujourd’hui, plus que jamais auparavant, un bateau ivre.
Le bateau ivre d'Arthur Rimbaud, vu par le grand Aristidès (Othon Frédéric Wilfried), dit Fred.
Serge Tisseron se trompe de cible. Cet intellectuel a donc perdu une bonne occasion de la boucler.
Voilà ce que je dis, moi.
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samedi, 03 octobre 2015
NE PAS DÉRANGER
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dimanche, 27 septembre 2015
NE PAS DERANGER
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samedi, 26 septembre 2015
NE PAS DERANGER
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vendredi, 25 septembre 2015
NE PAS DERANGER
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dimanche, 20 septembre 2015
NE PAS DERANGER
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mardi, 15 septembre 2015
NE PAS DERANGER
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lundi, 07 septembre 2015
L'ECTOPLASME HOLLANDE VA CAUSER
Attention, Monsieur Hollande va parler ! Avoranfix (ci-dessus) ! Que va-t-il dire ? On en sait déjà quelque chose. Comment ? Il y a autour du président des « conseillers » en communication (appelons-les des « fuiteurs professionnels », alias attachés de presse). Pourtant les plumitifs de la presse se précipitent quand même en masse sur tous les strapontins mis à leur disposition pour assister à la « conférence de presse », la seule et unique des nombreuses promesses que le candidat Hollande de 2012 parvient à tenir. Pour blablater, il est toujours prêt.
Ils savent déjà à peu près ce que le président va dégoiser (intervenir en Syrie contre Daech, mettre en musique l'alignement servile sur la position allemande défendue par "Mama Merkel" à l'égard des migrants, ...), et qui a déjà été soigneusement pré-commenté, ils écouteront le propos présidentiel avec la plus grande attention, ils le décortiqueront à tête reposée, et puis, le soir même, ils l’orneront de commentaires savants destinés à expliquer aux braves gens qui forment la population, ce qu’il faut comprendre des sous-entendus que le président aura placés entre les lignes de son propos.
Tout le monde fait donc semblant de croire que la conférence de François Hollande ressemble à un événement. Mais au bout du bout, dans le gras de la population spectatrice de ce mauvais spectacle, qui est assez niais, assez demeuré, assez ignorant pour croire un seul mot du ramassis de fadaises produit par cette comédie exécrable ?
Personne, j’espère. Pendant ce temps, l'Amérique contemple avec placidité la vassale Europe se laisser submerger par les problèmes, bien réels et bien concrets, eux : Grèce, Ukraine, migrants, zone euro, ..., attendant que les marrons soient à point pour les tirer du feu.
L'ectoplasme aura parlé. Ne pas confondre avec un quelconque oracle.
Voilà ce que je dis, moi.
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mardi, 01 septembre 2015
NE PAS DERANGER
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mercredi, 29 juillet 2015
BD : PRÉFÉRENCES
Ce billet pour confirmer ma préférence pour les dessinateurs qui privilégient le trait par-dessus tout. Mais un trait différent de celui d'Hergé : contrairement au sien, qui lisse tout jusqu'au neutre, j'aime souvent un trait qui manque de propreté (ça dépend comment c'est fait, et puis pas forcément), un trait qui bave un peu, qui bégaie et qui ne s'interdit pas les à-plats noirs. Un trait qui ait l'air un peu bâclé. Un trait aussi qui sache prendre quelques libertés avec l'exactitude et la ressemblance.
C'est mineur, je sais, mais regardez un peu le rendu du végétal à l'arrière-plan.
Pour résumer, un trait qui ne soit pas asservi à la réalité, tout en la traduisant. Un trait qui triche tant soit peu avec elle, qui attire l'attention sur soi et la subjectivité qu'il exprime. Un travail qui s'apparente, je trouve, à l'œuvre du peintre Giorgio Morandi et à certaines œuvres des Lyonnais Truphémus ou Régis Bernard : à mi-chemin entre la chose et sa représentation, comme pour dire en somme que le réel, ça ne va pas de soi. Ce qui prime, dans l'art comme dans la vie humaine, c'est le regard porté sur les choses et sur les autres.
Ces dessinateurs, j’en citerai encore trois, soit parce que leur nom n’est pas apparu, soit parce que je n’ai pas assez insisté, soit parce que j’ai envie d’y revenir. Ça n’épuise pas le sujet, évidemment.
Les trois se nomment Bazooka (enfin, pas toute la bande), Michelangeli, Crespin. J’aurais bien voulu retrouver dans mes affaires quelques traces d'Edmond Baudoin, mais peine perdue. Bazooka, je l’ai évoqué récemment : c’est le groupe au sein duquel travaillaient, entre autres, Kiki et Loulou Picasso. J’aimais beaucoup moins ce que faisait le reste du groupe, en particulier Olivia Clavel, mais bon. Lulu Larsen, pourquoi pas ?
Publicité parue dans (A suivre) : un petit coucou au cubisme.
Michelangeli (voir les trois premières vignettes, plus haut), j’ai vu ses images de loin en loin. Totalement absent de l’index du BDM (Béra-Denni-Mélot), qui recense tout ce qui a trait à la BD, je me dis qu’il a mis son talent au service d’autre chose que la bande dessinée (illustration, …). Dommage.
J'ai toujours été sensible aux lieux et aux choses sur lesquels le temps a passé et qui n'ont pas été ripolinés pour faire croire que c'est tout neuf. Alors quand un dessinateur abonde dans ce sens ...
Le cas de Michel Crespin est plus clair, donc plus satisfaisant. J’avais été saisi lors de la parution de Marseil dans Métal Hurlant. Le dessin se passe à merveille de la couleur. Là encore, c’était moins l’histoire (tant soit peu vaseuse, à la fois - il faut le faire - baba-cool, post-atomique et dangereuse, qui fait la part belle à une arme américaine célèbre, qui fait de beaux trous, chambrée en 5,56 (1300 m/s en V0) : drôles de baba-cool) que le trait qui avait attiré mon attention. Un trait qui fait la part belle aux traces que le temps laisse sur les choses quand on se garde d'intervenir.
Ce n'est pas du Auclair (voir avant-hier), mais ça pourrait.
Métal Hurlant fut une excellente revue (Moebius, Druillet, Tardi, Gillon, Hermann, etc.). A mon vif regret, j’ai été obligé de jeter l’intégralité de ma collection, un jour, après être descendu dans ma cave : l’humidité avait transformé toute la pile en un conglomérat noir et dur comme un pavé, tout était soudé. Je ne savais pas que le papier couché pouvait coller à ce point. Et un poids !!! J'aurais peut-être dû le proposer au sculpteur Bernard Pagès, allez savoir : il l'aurait peut-être ajouté à sa série des "Totems penchés".
Ça pourrait être du Moebius. Ce n'est que du Philippe Francq (Largo Winch). Un bon élève.
Métal Hurlant ? Un "totem penché" ? Affreux.
Voilà ce que je dis, moi.
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lundi, 27 juillet 2015
BD : LA REVUE (À SUIVRE)
J'ai commencé à dire du mal de l'évolution du monde de la BD à l'orée de l'ère de l'ultralibéralisme désentravé et décomplexé et de la financiarisation de l'économie (l'ère Reagan-Thatcher, années 1970). On me dira que ça n'a rien à voir. Mais le fait qu'une grosse maison comme Casterman (assise sur un trône en or massif appelé Tintin) publie à partir de 1978 la revue (A suivre) est quand même le signe que la bande dessinée quitte le bac à sable pour partir à la conquête du monde (je crois que le premier numéro avait été tiré à 100.000). Le lien n'est certes pas direct, mais je note la concomitance. Une évolution regrettable. Le début de la dictature du "Marché", des "Bourses", des fonds de pension et de la veuve écossaise. Et le début de la BD industrielle.
Il est loin, le temps d'Adrienne et de sa minuscule boutique fraternelle. "Expérience", ça s'appelait. Elle se situait rue du Petit-David. L'incroyable vogue des mangas (ces petits bouquins "dessinés" (?) à la va-vite et produits à la chaîne dans des usines à dessiner) est une autre preuve de ce passage à l'étape industrielle de la production de la BD : performance, productivité, prolifération. Et pour finir : surproduction. En Périgord, on appelle ça le gavage. Et ça donne ces beaux foies cirrhosés dont nous faisons nos délices (mais il faut tuer l'animal avant). Si quelqu'un a quelque chose à dire, qu'il le dise. Sinon, qu'il se taise. Mais s'il s'agit seulement de remplir des tuyaux (les "contenus"), on change de monde.
On voit que les écoles de BD, les festivals de BD, les "Prix" de la BD, les "Histoires de la BD", les cotes BDM (1ère édition en 1979) du "marché" n'ont pas tardé à fleurir et à occuper le paysage. On croit fermement que la bande dessinée, enfin devenue « adulte » et arrivée à maturité, est désormais un genre à part entière, tout à fait digne de l’intérêt des gens sérieux et responsables. Et soucieux de rester "modernes", "à la page" et "dans le coup". Quelle sottise !
N°5. Cabanes (avec Forest aux manettes du scénario) réécrit Le Roman de Renart. Ici, Hersent la louve (= madame Ysengrin) demande à Renart de la sauter. Inutile de dire que Renart s'empresse d'accéder à la supplique. Les gniards n'en perdent pas une miette. Hersent remercie Renart après le troisième service.
Il ne vient à l’idée de personne de se demander si ce ne serait pas plutôt un signe que les adultes de l’époque ont un peu perdu en maturité (bienvenue en enfance : voir l'irruption et le triomphe du jeu vidéo sur le marché des distractions). Qu'en est-il aujourd'hui ? Il ne semble pas que la tendance à l'infantilisation des foules se soit interrompue, bien au contraire. Et il n'y a pas que la BD pour s'en rendre compte.
N°1. Fmurrrrr. Il n'a pas fait que Le Génie des alpages, la BD qui fracasse l'élevage montagnard à grands coup de fantaisie et de n'importe quoi. Ici, il nous raconte une scène méconnue et jubilatoire de la vie de Jeanne d'Arc, quand celle-ci, complètement pétée, danse sur la table, et qu'elle commence à cuver quand le rideau est tombé (j'espère que le lecteur peut déchiffrer les légendes).
Comme il ne vient à l'idée de personne de se dire que c’est lorsque le ludique et l’amusant commencent à se prendre au sérieux qu’ils ne sont plus du tout ludiques ni amusants. C'est horrible à dire, mais avec A suivre, la BD commence à se prendre au sérieux. La BD devient presque pédante et donneuse de leçons. Pour un peu, elle prendrait de haut la grande littérature. Avec (A suivre), la maison Casterman se hausse du col.
Quelle idée aussi, de vouloir donner de la noblesse à une simple distraction, vaguement régressive au demeurant ! (A suivre) se propose donc de publier de véritables "romans graphiques" (ça ne s'appelle pas comme ça à l'époque, juste "romans", pour affirmer la prétention).
N°24. Jean-Claude Forest. Cet homme mérite un billet à lui tout seul : Hypocrite, La Jonque fantôme, Mystérieuse, l'Hydragon, tout ça est magnifique. Ici, une scène de "tendresse" dans un monde de brutes, décidée par une femme d'initiative (ne pas oublier que Forest est d'abord l'auteur de Barbarella). En matière de distribution de la "lumière", cette planche est admirable.
Romans graphiques, pourquoi pas ? Je ne dis pas qu’A suivre n’y a pas réussi, je dis juste que c’est au moment où la BD, élargissant sa « cible », passe d’un « marché de niche » au « grand marché », qu’elle a commencé à m’ennuyer. Quand elle a commencé à se dire que la "Croissance", ce n'était pas fait pour les chiens. Qu'elle aussi avait sa place dans le monde de la production industrielle, du rendement, de la performance et de la productivité.
La vogue du manga n'est qu'une folle excroissance cancéreuse de cette frénésie. Je ne sais plus quel dessinateur français travaillant au Japon fut obligé de se plier au rythme stakhanoviste de production des planches par semaine. Il n'empêche que, dans les mangas, l'effort d'expressivité pousse au simplisme des physionomies, à la caricature des émotions et des mimiques, tout étant mis au service de la narration (tendance qui culmine dans la vogue des "emoji"). Le stéréotype règne, tout-puissant. Il faut aller vite. Défense d'être subtil ou raffiné. Rien à voir avec le labeur de moine copiste auquel se livrent nos grands de la BD à la française (et à la belge).
N°1. Tardi, dans Ici-même, sur scénario de maître Forest. Désolé, je trouve que ça ne marche pas. Le travail des deux est admirable, mais. A bien y réfléchir, c'est peut-être l'argument de base qui fout tout en l'air (une histoire de murs restés le seul bien de l'héritier du jadis immense domaine de Mornemont, alors il passe son temps à courir dessus. Rien qu'à voir sa "maison" ...).
Pas question de nier la réussite de la revue : Tardi, Forest, Bourgeon et d’autres grandes pointures du récit dessiné. On ne regrette pas.
N°1. Sa Majesté Hugo Pratt. Ici (Corto Maltese en Sibérie), il montre qu'il sait tout faire : Corto Maltese rentre chez lui (en Chine !) : tout y passe, le cadrage, le trait et la surface, le noir et le blanc (admirez l'inversion positif-négatif à la troisième bande), l'ambiance. Un "Gentilhomme de fortune" avec une nostalgie de confort bourgeois.
Je place quant à moi deux auteurs très loin au-dessus de la pile : Hugo Pratt (ci-dessus), présent dès le premier numéro avec Corto Maltese en Sibérie, (mais c'est Pif Gadget qui a publié les premiers épisodes de Corto en France) et l’œuvre insurpassable de Didier Comès : Silence (ci-dessous), à partir du n°13.
N°13. Didier Comès : "je mapel silence é je sui genti" (le débile de Daniel Keyes dans Des Fleurs pour Algernon, a quelque chose à voir). J'ai moins aimé ce qu'il a fait avant et après (quoique La Belette ..., mais Ergün l'errant, franchement ...). Un fascinant sommet de la BD à mes yeux.
Les planches que je montre ici résument les préférences que j’ai marquées à l’époque, préférences que je ne regrette toujours pas aujourd’hui. On constatera sans doute, je ne peux le nier, que celles-ci donnent la priorité au trait. La "Ligne claire", quoi. Ben oui. Le trait, vous dis-je : hors du trait, point de salut ! N'est-ce pas Charles Trenet qui chante : « Fidèle, fidèle, je suis resté fidèle, A des choses sans importance pour vous » ? Moi, c'est le trait.
Je ne dirai rien de toutes les planches que je ne montre pas.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans BANDE DESSINEE, LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, bande dessinée, revue à suivre, éditions casterman, librairie expérience, lyon, rue du petit david, reagan thatcher, cabanes bd, jean-claude forest, roman de renart, fmurr, le génie des alpages, tardi, hugo pratt, corto maltese en sibérie, pif gadget, didier comès, des fleurs pour algernon
dimanche, 26 juillet 2015
BD : LA REVUE (À SUIVRE)
Je me propose de continuer à célébrer ici la bande dessinée, un genre de littérature un peu décrié, certes mineur, mais pas nul, et même parfois admirable. Oui, ça peut arriver. Ce sera cette fois à travers la revue (A suivre) (1978-1997), et plus particulièrement à travers quelques planches que je persiste à trouver dignes d'intérêt.
N°1. Auclair n'a pas fait que Simon du fleuve. On est à l'époque du retour à la terre, de l'âge baba-cool, de l'antinucléaire et du repli (rebaptisé "revendication") régionaliste (l'auteur rappelle la sommation : "Défense de parler breton et de cracher par terre") parfois guerrier. Bran Ruz (ci-dessus), c'est le retour de l'âge celtique dans la modernité, et du breton-langue-vivante. Bilal, dans Le Vaisseau de pierre, en faisait autant. Dans les deux cas, esthétiquement, c'est une réussite. Je ne parle pas de l'idéologie.
Nul ne peut affirmer qu’il aime LA musique. Certains me font bien rire quand, à la question : « Qu’est-ce que tu écoutes ? », ils répondent crânement : « Toutes les musiques ! ». De deux choses l’une : ils mentent, ou ce sont des ignorants pur sucre. Je penche pour la deuxième hypothèse, renforcée par l'arrogance de ceux qui croient que le monde est né en même temps qu'eux.
N°6-7. Jean-Claude Claeys, qui travaille d'après photo, fait des merveilles avec Marlène Dietrich, Humphrey Bogart, le corps des femmes ou le corps des armes. C'est beau, mais est-ce de la bande dessinée ? La preuve c'est qu'il a fini par se reconvertir dans l'illustration pour la couverture des romans noirs et policiers.
Il faut m’y résigner : il y a les musiques que j’écoute, et puis il y a toutes les autres, celles qui ne me disent rien, m’indiffèrent, m’horripilent ou me cassent les oreilles. Et puis celles que je n’entendrai jamais.
N°4. Ferrandez. Simplement estimable. Ici une histoire de malédiction dynastique : il y a de la tragédie, et même de l'égorgement dans l'air.
Pour la BD, c’est du pareil au même : il y a celles que je relis, et puis celles que je n’aurais pas même l’idée d’ouvrir. Donc je n’aime pas LA bande dessinée. Car ce "LA" n'existe pas plus dans la musique que dans la bande dessinée (et dans beaucoup d'autres domaines, je le crains).
N°26.Violeff. Pas mon préféré, mais des mimiques faciales à la Buster Keaton, qui introduisent une distance avec le cynisme et la violence de l'histoire, et des planches finalement très équilibrées.
Cela dépend des auteurs, des volumes, des époques, des humeurs. Et rares sont les auteurs dont j’apprécie tout le travail. Rien que de très ordinaire.
N°29. Tito. Ça se passe, je crois, en Espagne. Visez un peu l'amour et la dévotion avec lesquels Tito a dessiné le visage de sa grand-mère (il faut que ce soit elle), en haut à droite de la planche. Et puis ce bras, simplement posé ... j'en ai connu un pareil.
J’ai récemment rouvert de vieux Charlie mensuel : il y a beaucoup de déchet. Et puis je rouvre (A suivre) : même constat, il n’y a pas de raison. Mais en pire : on passe des "Trente Glorieuses", finalement jouissives, aux débordements ultralibéraux de l'ère Reagan-Thatcher, qui serrent le cou du destin du monde pour qu'il avoue dans quelle cachette il a déposé le trésor de l'humanité, afin de faire main basse sur celui-ci.
N°34. Ted Benoit. Ça se trouve au début, je crois, de Berceuse électrique, une histoire que je trouve encore très lisible. Une histoire un peu vaseuse ("Akasidi Akasodo"), où les personnages ont une existence flottante sur le plan romanesque (on ne sait jamais dans quel état ils errent !), mais une existence somme toute assez dense.
Entre Charlie et A suivre, il y a en effet un énorme fossé : dans Charlie, Wolinski, entouré de sa bande de potes (Cabu, avec Catherine, Reiser avec La vie au grand air, …), voulait faire connaître ses BD de prédilection, souvent les américaines de la grande époque (Dick Tracy, Peanuts, Krazy Kat, …), mais aussi donner leur chance à quelques-uns. En tout, un artisanat d’amateurs au meilleur sens du mot.
N°3. François Schuitten. Je n'ai jamais pu arriver au bout de son histoire (La Terre creuse), mais admirez un peu le trait que trace le monsieur, qui me fait évidemment penser à certaines photos de Lucien Clergue (la série des "nus zébrés", ci-contre).
Par rapport à Charlie, A suivre change d’échelle et d'univers, parce qu’on a de l’ambition, et qu’on croit à l’ouverture d’un véritable « marché », sur un « créneau » très prometteur. A suivre est une entreprise, à tous les sens (modernes) du mot. Efficace (dans un sens) et haïssable (dans un autre). C'est du professionnalisme pur et dur.
N°15. Munoz. Avec Sampayo, il a fait Alack Sinner, Le Bar à Joe, ... On essaie de copier les effets du cinéma. Une utilisation impressionnante du noir et blanc.
On entre dans la phase industrielle de la production de BD. La phase détestable, qui fait passer le nombre des publications de cent cinquante par an à dix fois plus. La BD devient une machine économique. Ça sent la gestion prévisionnelle, et ça crache. Surabondance. Engorgement. Indigestion. Hypermarché (Charlie fait vraiment "petit commerce", en comparaison).
L'amateur n'en peut plus et ne sait plus ou donner de la tête. Résultat, la segmentation en ghettos soigneusement délimités pour satisfaire chaque clientèle précise (héroïc fantasy, fantastique, space opéra, etc.). Un exemple : sur l'aviation de chasse, il y avait Tanguy et Laverdure, et puis Buck Danny (scénario de Charlier dans les deux cas, en plus). Aujourd'hui, regardez les présentoirs : ça déborde, ça fourmille de "chevaliers du ciel", actuels ou anciens.
Passer de cent cinquante albums de BD par an à mille cinq cents ! Et combien aujourd'hui ? Oui, c'est d'un vrai changement d'ère qu'il s'agit.
Voilà ce que je dis, moi.
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samedi, 25 juillet 2015
BANDE DESSINÉE : PHILIPPE BERTRAND
Ce billet est suite et conséquence de ceux que j'ai commis aux dépens des pages "Sommaire" de Charlie mensuel (voir billets 19-20 juillet). Parmi les dessinateurs qui ont dessiné cette page 1 de la revue, deux ont attiré mon attention : Nicoulaud et Philippe Bertrand. Le premier a fourni à Wolinski onze dessins entre les numéros 66 et 132, le second sept entre le 72 et le 147 (au total, de juillet 1974, couverture Guido Crepax, à novembre 1981, couverture Roland Topor). En les comparant dans la durée, on constate une différence intéressante.
Autant le style de Nicoulaud (ci-contre, n° 71), qui a de l'invention, des idées marrantes au demeurant, n'évolue guère (il se contente de rester lui-même ; on pourrait dire aussi qu'il n'a pas attendu Charlie pour arriver à maturité), autant on assiste, dans le cas de Philippe Bertrand, de planche en planche, à l'émergence d'une vraie personnalité picturale. L'émergence du style identifiable d'un artiste.
N° 72, janvier 1975. Le vulgum pecus du dessinateur branché : c'est bien fait, c'est même minutieux, mais beaucoup de gens faisaient ce genre de chose.
Je veux donc parler de l'évolution du style de Philippe Bertrand, dont j’avais adoré l’album Linda aime l’art (en fait, il y en eut deux), sophistiqué, subtil et vaguement pervers, un album au style et à la technique superbement maîtrisés.
N° 84, janvier 1976. Ici, une "patte" commence à s'affirmer, même si c'est toujours le joyeux bazar baroque dans l'organisation.
La première planche (N° 72, janvier 1975) que Philippe Bertrand propose à Wolinski pour habiller le Sommaire de la revue Charlie mensuel (voir plus haut), pour parler franchement, appartient à la piétaille des petits soldats du courant psychédélique. Résumons : moyennement intéressant. Il sait faire, mais dans l'ensemble, pas de quoi grimper au rideau.
N° 109, février 1978. Vient le découpage en vignettes. Un cadre, pourrait-on dire.
Son dernier "Sommaire" (enfin, d'après ce que je sais) orne le N° 147 d’avril 1981 (ce Charlie s'arrête cette année-là, au n° 152). On voit tout de suite le chemin parcouru en six ans. Ou : comment passer du chemin de tout le monde à sa voie à lui.
N° 118, novembre 1978. Les personnages esquissent leur aspect définitif. Ils sont schématisés ("typés"), mais deviennent des individus.
Entre les deux, en six ans, Philippe Bertrand a trouvé le style de Philippe Bertrand.
N° 134, mars 1980. La figure humaine, en mouvement, échevelée et gominée.
Philippe Bertrand s'installe en auteur. Le genre de découverte qui fait, en musique, qu’après trois secondes, vous savez que c'est du Chopin.
N° 136, mai 1980. Une situation complexe, mais Bertrand a trouvé son visage.
J’enrage de ne pas savoir ce que j’ai fait de Linda aime l’art. Avant d'y arriver, Philippe Bertrand a fait sept planches du "Sommaire" de Charlie mensuel. Il a visiblement beaucoup travaillé. On peut même dire : beaucoup avancé. Une histoire personnelle, dont les pages que je montre aujourd'hui permettent de rendre compte, au moins partiellement.
N° 147, avril 1981. Là, on est installé dans la façon de faire de Linda aime l'art.
L'histoire de l’évolution d’un artiste qui chemine vers lui-même et qui finit par y arriver, pour signer un travail entre tous reconnaissable.
Charlie mensuel 2ème série, n° 15 (juin 1983) : Philippe Bertrand a vraiment trouvé sa manière. Je n'y peux rien : c'est juste beau. Il y a tout : le dessin, la surface, les couleurs. Accessoirement, l'allusion à L'Affaire Tournesol ou à L'Oreille cassée.
Alors chapeau ! Merci Philippe Bertrand. Merci Wolinski. Merci Charlie mensuel.
Voilà ce que je dis, moi.
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vendredi, 24 juillet 2015
BANDE DESSINÉE : FRANCIS MASSE
Je continue l'éloge d'un grand dessinateur, génialement foutraque : Francis Masse. Tout se passe dans Charlie mensuel (première série, 1969-1981).
J’aime aussi énormément, dans le numéro 75, la course organisée entre plusieurs immeubles, dont les habitants se tirent la bourre en astiquant la cambuse, lavant les carreaux, secouant les paillassons. Le commentateur crie dans son micro : « Le 315 fait un effort au lavage de carreaux aussi formidable qu’au devoir conjugual [sic] qui lui a permis de jaillir de façon si spectaculaire du paquet !!! Il vient maintenant de prendre le sillage du 173 et du 212 qui, eux, se disputent le sprint au secouage de paillassons et à l’arrosage des géraniums sur les rebords de fenêtre ». Après l’arrivée, qui a vu la victoire de l’immeuble 315, c’est naturellement le promoteur-entraîneur qui prononce le discours de félicitation.
Un délice de parodie.
Il faudrait aussi détailler image par image cette compétition de consommateurs où le 12 commande un rouge limé (voir hier). Les autres consommateurs se passent la commande, mais un serveur l’intercepte et va illico envoyer le rouge limé dans la figure du 12. Alors tout le stade exulte et hurle : « Il y est ! ». Eh oui, quel beau match, n’est-ce pas !
Et puis, cet amoureux transi qui veut déclarer sa flamme, mais qui, déçu dans ses attentes, s’efforcera d’oublier en allant à une surboum d'enfer organisée par des sardines (dans leur boîte, évidemment, il faut les voir se déchaîner) !
N° 72. Chapeau l'artiste ! Le bonheur de dessiner ! Cette vignette m'enchante. Dans la suivante, on découvre que "l'amour n'apprend pas à nager". Dans la dernière, on voit les sardines sans tête se trémousser dans leur boîte.
Et puis ce voyageur avec ses valises qui rate le train qui lui file sous le nez pour la trois cent quatre-vingt-cinquième fois.
N° 74.
Mais on s'aperçoit dans la dernière vignette que la scène se passe sous les yeux méprisants du pépé en costume marin (y compris les culottes courtes) qui regarde tourner son train miniature ! En maugréant.
Bref, Francis Masse se contrefiche de la réalité ordinaire.
C'est peut-être lui qui a raison.
Voilà ce que je dis, moi.
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jeudi, 23 juillet 2015
BANDE DESSINÉE : FRANCIS MASSE
Pour parler franchement, beaucoup de ce qu’a publié en son temps le Charlie mensuel de Wolinski paraît aujourd’hui suranné, voire vieillot. Bon, c’est sûr que je regarde ça avec mon œil de 2015 et que mon intérêt pour la bande dessinée s’est tant soit peu « relativisé ». Reste que j’ai maintenant du mal à suivre les histoires tortueuses et alambiquées de Buzzelli ou Guido Crepax. Même la célèbre Paulette (dessinée par Pichard) m’est devenue hautement improbable. On n'est pas loin du déchet.
N° 73. C'est la Fête des mères. Que ne ferait pas le petit monstre pour offrir à sa maman un beau bouquet de bras et de jambes, piqués au monsieur croisé dans la rue ! Willem, dans Libération du 24 juillet, semble s'être inspiré de Masse, mais c'est au sujet de la Grèce, en train d'être brutalement dégraissée.
Quelques-uns de ces héros ont cependant préservé leur droit au respect. J’ai parlé de Barbe, de quelques autres aussi. Mais dans ce paysage de haute qualité esthétique, il en est un qui brille encore par la virtuosité de son talent graphique, mise au service d’un délire narratif totalement jubilatoire : il s’appelle Francis Masse. Son dessin très singulier ne ressemble à rien de ce qui se fait à l’époque. Et qui n'a jamais été refait.
N° 77. Masse imagine comment résoudre le problème de la faim dans le monde. Oui : Masse est vraiment à la masse ! Je veux dire : génial !
Dans les bulles : « Eh bien, dites-le que vous avez faim ! - On a faim - Eh bien, dites-le qu'est-ce que vous voulez à manger ! - On veut du lait ! - Eh bien, en voilà, du lait, qu'est-ce que vous pleurez ? Suffit de demander. »
On est prié de ne pas chercher la morale de l'histoire.
Quant aux histoires qu’il invente, disons seulement qu’elles pourraient justifier l’expression populaire bien connue : le cerveau de Masse est complètement à la masse ! Ce sont vraiment des histoires de cinglé. Et c’est assumé crânement. Réflexion faite, certains y décèleraient un zeste d’inspiration surréaliste. A moins qu’il ne faille regarder du côté des amateurs de « nonsense » britannique. Bref : un imaginaire totalement désentravé, loufoque, maboul, cintré. Un génie à l'état pur.
N° 79. Dans le stade plein à craquer de supporters à gros nez, chapeau melon et manteau lourd, on voit aux prises deux équipes : les serveurs et les consommateurs. Il s'agit pour ceux-ci de se faire des passes de commandes. Mais les serveurs parviennent à les intercepter. Le but est marqué quand le rouge limé atterrit dans la figure du 12, celui qui a passé commande.
Un exemple ? Dans le numéro 85, zieutez ce bonhomme de Masse (gros nez, chapeau melon, manteau lourd) qui, debout sur le bord du toit, un pavé attaché au cou, se jette dans le vide, en proférant distinctement, à chaque étage, un « Salauds ! » bien sonore.
Installés devant leur fenêtre du rez-de-chaussée, un couple a assisté à l’écrasement (« Splatch »). Lui est un rhinocéros dans son fauteuil. Elle est une créature composite à base de bouilloire surmontée de quelques accessoires (chaussure à talon aiguille, écumoire, ciseaux …). C’est elle qui a volé l’étage du suicidé. Elle le regrette, mais elle a agi par amour. Le genre de planche qui fait se questionner le lecteur : « Mais où va-t-il chercher tout ça ? Faut-il qu'il soit frappadingue ! ».
Amour ! Que de crimes on commet en ton nom !
Voilà ce que je dis, moi.
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